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Les maux des mots parentaux

« Mais non, t’as pas mal ! »

Et si nous laissions nos enfants savoir, de temps en temps, ce qui est bon pour eux ? Dans notre culture européenne, il semblerait qu’une tendance se dessine : le parent tout puissant sait mieux que sa progéniture : « à quatre ans, on ne sait pas, à quatre ans, on ne décide rien, on a simplement le droit de décider si on veut faire un temps calme ou une sieste. Pas plus. » Cette phrase, je l’ai entendu, il y a quelques jours, dans la bouche d’une maman s’adressant à sa fille qui voulait, je crois, aller faire un tour de balançoire, à un moment où la maman avait décidé que ce serait autrement.

Comment se fait-il qu’on puisse aujourd’hui, dans des pays comme le nôtre, parler aussi sèchement à un enfant ? Je veux dire : comment est-il possible qu’aujourd’hui on puisse, sans que ça ne choque apparemment personne, parler avec autant de violence, en public, à un enfant ? Comme si cette violence verbale n’en était pas une, comme s’il n’y avait aucun mal à parler avec brutalité à son enfant. Je précise que la maman en question n’était nullement stressée ou irritée, nous passions une journée chômée, ensoleillée, entre amis. Elle informait simplement sa fille que cette dernière n’a pas le droit d’avoir un désir différent et que son libre arbitre se résume à choisir entre le sommeil ou le repos à des heures bien précises de la journée.

Tourner 7 fois sa langue ?

Il m’arrive personnellement d’interdire de façon assez arbitraire à ma fille de faire telle ou telle chose. Mais il m’arrive de tenter de rectifier le tir quand l’interdit est sorti de ma bouche par réflexe ou par habitude. Souvent je me surprends en train de parler à l’impératif et d’intimer à ma fille des ordres qui finalement n’ont pas d’autres légitimités que mon confort ou mes habitudes. J’essaie alors de tourner ma langue sept fois dans la bouche…

Mais dans la situation décrite plus haut, rien d’autre qu’une affirmation franche et sonore. La mère répète à son enfant qu’il n’est pas libre d’avoir sa propre façon de penser, d’agir, d’interagir…de ressentir même peut-être : « mais non, tu n’as pas chaud, garde ton bonnet ! ».

Souveraineté

De mon point de vue, la première chose qui donne à notre condition humaine sa saveur, c’est notre souveraineté. Le mot « souveraineté » résonne de façon peut-être un peu vieillotte, il a une connotation moyenâgeuse mais rappelle « qu’au-dessus il n’y a rien » : est souverain celui qui ne dépend pas d’une autorité extérieure, est souverain celui qui peut prendre appui sur lui-même pour organiser son existence. Voilà ce que personnellement, avec quelques autres notions de bienveillance, de compassion et de générosité, j’aimerai que le parent puisse transmettre à son enfant.

Ce qui nous donne notre humanité c’est la possibilité d’exercer librement nos choix et nos actes. Y a-t-il un âge minimum pour penser et ressentir par soi-même ? Quand cette liberté commence-t-elle ? A quel âge a-t-on le droit de ressentir par nous-même des sensations qui nous sont propres (« mais non, tu n’as pas mal, allez, arrête ton cinéma et avance, on va être en retard ») ? A quel âge peut-on penser par soi-même et agir sans avoir besoin du regard approbateur de l’adulte (« tu es sûr que tu as fini ton dessin ? tu n’as presque rien dessiné, ta feuille est trop blanche ! », « il est beau, hein ? mon dessin papa ? tu le trouves beau, hein, dis ? »).

Tout en étant un bon parent, on peut, semble-t-il, passer à côté de notre enfant : les droits de l’enfant – pourtant ratifié par la quasi-totalité des membres des Nations Unis – deviennent lettres mortes quand il s’agit de la liberté des enfants face à l’autorité parentale.

Mon devoir en tant que parent (pour nous qui avons le privilège de naître et de vivre dans un pays libre, riche et en paix) n’est-il pas de donner, dès le plus jeune âge, à mon enfant, la faculté de penser par lui-même, de l’encourager à librement faire des choix et d’ainsi favoriser la confiance en son propre jugement ?

Au lieu de : « viens ici immédiatement pour que je te coiffe », on peut essayer : « veux-tu que je te coiffe maintenant ou as-tu besoin de cinq minutes encore ? » L’enfant opère un choix…selon son âge, ce peut être un choix très guidé comme celui-ci mais il n’empêche, l’enfant exerce déjà sa capacité de discernement au lieu de s’entendre dire, à demi-mot, que papa/maman savent mieux que lui, que de tout façon, son avis ne compte pas.

Et plus tard, dans la vie, celles et ceux qui savent évoluer en souplesse face aux contraintes du travail, des relations, de nos responsabilités…sans pour autant  les fuir, mais en ayant librement consenti à les assumer, ne sont-ils pas plus créatifs, plus heureux, plus irradiants pour ceux qui les entourent ?

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